je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

mardi 31 octobre 2017

Anna Hope : La salle de bal

Le titre léger et flatteur  fait penser à une belle soirée à venir parmi de jeunes gens prometteurs et amoureux, il n'en est rien.
 Ana Hope nous plonge dans l'univers de l'hôpital psychiatrique en 1911.
Celui de Sharston dans le Yorkshire a tout d'une prison. Hommes et femmes sont séparés, les hommes travaillent dehors, ils creusent des tombes, cultivent les champs et les femmes lavent et nettoient à l'intérieur.
Nous suivons le quotidien des internés, malades certes mais aussi indigents, personnes violentes et non contrôlables, profonds déprimés.
La solution ? Mourir ou s'enfuir, essayer de prouver, si c'est possible, que l'on a toute sa tête. Difficile...
A travers le portait de trois internés, et de leur psychiatre très particulier, Ana Hope nous donne à réfléchir à ce que la société bien pensante attend des soins donnés à ces malades qui perturbent l'ordre moral et social.
Tout d'abord il y a Ella, une jeune ouvrière fileuse, exploitée par un travail épuisant et qui ose s'en plaindre. Elle vient juste d'arriver à l'asile.
John, lui est irlandais. Taiseux et taciturne, pauvre aussi, il a craqué suite à la mort de son enfant et s'est enfermé dans une profonde dépression.
Et puis il y a la belle et fantasque, Clémentine, intelligente et brillante. Passionnée de lecture et d'art, elle veut choisir sa vie. Enfermée à la demande de sa famille, pour qu'elle soit apaisée.
Et puis le psychiatre, Charles Fuller, un homme aigri, frustré et ambitieux, cachant d'inavouables pulsions. Recruté par le centre plus pour ses qualités de musicien que pour ses études médicales, il pense que la musique peut apporter la guérison à ses patients.
Aussi le vendredi, dans la plus belle salle a lieu un bal. Hommes et femmes autorisées vont danser et se rencontrer.
John et Ella vont vivre pendant un été de canicule, une passion qui ressemble à l'amour ou à un sauvetage difficile.
Ana Hope s'empare d'un sujet très particulier et qui dérange un peu, celui du traitement de la "folie" au début du 20ème siècle pour contrôler les esprits perturbés, par la stérilisation, par des essais de nouveaux traitements, d'ailleurs Churchill y est favorable.
L'eugénisme, ce mot fait trembler, et pourtant  les nazis l'ont pratiqué mais d'autres y avaient pensé avant.
Terrible 20ème siècle naissant qui voit se profiler les horreurs qu'il a lui-même créées.
Un livre très puissant à la plume sensible, où l'Histoire rejoint toujours la sombre actualité.
Ana Hope - La salle de bal - Editions Gallimard, Collection du monde entier - Traduit de l'anglais par Elodie Leplat - Parution du 17 Août 2017 - 400 Pages - 22 €


lundi 30 octobre 2017

Maxence Fermine : Chaman

Maxence Fermine nous a habitué à une prose très poétique et dans son dernier court roman "Chaman" encore une fois le charme opère. Et c'est réussi.
Richard Adam, est le fils d'un homme blanc et d'une indienne Lakota. Il est charpentier sur les tours d'acier de Duluth dans le nord des Etats-Unis. Comme beaucoup d'hommes de sa race, paraît-il, il est insensible au vertige.
N'ayant ni femme, ni enfant, la mort de sa mère le plonge dans un grand désespoir et le renvoi à sa profonde solitude.
Il va tenir une promesse faite à la défunte, déposer ses cendres où elle est née, dans la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du sud.
A la recherche de son identité il va entamer un voyage initiatique sur les traces de ses origines. Sa rencontre avec les indiens vivant sur la réserve ainsi qu'avec sa famille maternelle va changer le cours de sa vie.
Lors de la cérémonie de remise des cendres à la terre des ancêtres, Richard constate ses dons chamaniques.
Le chemin qu'il entreprend alors le mènera sur une voie nouvelle de renaissance.
C'est un très court roman, où les thèmes abordés sont lourds et empreints de beaucoup de nostalgie. On sent l'empathie de l'auteur pour tous les personnages plongés dans la misère, morale et sociale, souffrant du chômage, de l'alcool et de l'oubli de leur monde.
Les descriptions et les mots de l'auteur sur les paysages et  la nature qui se révèle belle et envoûtante  nous touchent aussi. Dans cette société indienne meurtrie, l'harmonie existe encore dans l'hommage rendu à la nature et dans le souvenir des coutumes ancestrales,  et c'est ce que ressent et recherche Richard.
En étourdissant conteur, Maxence Fermine, nous façonne une fin qui vacille entre magie et mélancolie.
C'est beau, il faut se laisser porter et surprendre par les mots, et la lecture devient un instant de pure merveille. C'est rare et ça fait du bien.
Maxence Fermine - Chaman - Editions Michel Lafon - Parution 12 Octobre 2017 - 131 Pages - 16.95 €


samedi 28 octobre 2017

Richard Wagamese : Jeu blanc

     Jeu blanc est le deuxième roman traduit en France pour l'écrivain Ojibwé de la première nation de Wabaseemoong, dans le nord-ouest de l'Ontario, Richard Wagamese, décédé en mars 2017.
     L'auteur a consacré sa vie à l'écriture afin de  faire connaître et reconnaître la culture indienne au Canada à travers des récits semi-biographiques remplis de complexité et de meurtrissures.
     "Jeu blanc" nous ramène dans le Canada des années 60 et la voix du héros, Saul Indian Horse, nous bouleverse par un récit poignant de l'intime où jeune orphelin, il est confronté à l'absence d'amour au racisme et à la perversion du monde.
     Saul grandit dans sa famille, loin de l'agitation de la civilisation. Dans les montagnes près de l'Ontario, les saisons rythment la vie de la communauté entre pêche et chasse.
     Mais les temps changent et vers le milieu du 20ème siècle, de bons blancs se font un devoir d'éduquer et civiliser ces tribus indigènes, quitte à enlever les jeunes enfants à leurs familles.
     Saul fera partie de ces enfants indiens ayant perdu famille, repères et racines. Inscrits dans une "école religieuse" ils reçoivent le strict minimum d'éducation, le reste est purement et simplement de l'esclavage et de la violence perverse. 
     Saul grandit perdu dans un monde qui lui impose l'oubli de ses croyances et de ses valeurs. Il découvre alors une passion effrénée pour le hockey sur glace, un sport en pleine expansion. Il s'impose dans cette dure discipline et  dans l'équipe malgré son très jeune âge, soutenu par un jeune prêtre faisant partie de l'école.
     Il est tellement doué qu'il est sollicité  pour tenter sa chance au niveau national. Il réussit à être le meilleur faisant de son jeu exceptionnel une revanche sur la vie et l'oubli d'un passé trop dur.

     Racisme et violence, soumission et travail acharné remplissent les journées et ponctuent les matchs, mais tout lui revient et le passé ne peut être tu. La rédemption peut-être lui sera permise.
     Un roman d'une étonnante poésie avec un style et une écriture limpides, l'auteur nous touche et nous transporte dans une nature sauvage que seul l'homme blanc a violée.
     Chaque paragraphe nous initie au hockey, sport violent aux allures de combat de gladiateurs, la foule acclamant le nom de ses héros et nous assène au final le constant de l'humiliation permanente et le racisme envers les indiens.
      Un livre bouleversant mais le plus terrible et c'est pourquoi je conseille vivement la lecture, c'est que nous suivons un sportif de haut niveau, entre gloire et chute, et que je n'ai rien vu, rien vu de la souffrance de Saul, profonde et cachée, ni soupçonné non plus son origine.
      Un peu mal à l'aise en refermant ce livre qui est un véritable coup de cœur.
Richard Wagamese - Jeu blanc -  Editions Zoé - Traduit de l'anglais (Canada) par Christine Raguet - Parution Septembre 2017 - 256 Pages - 20.90 €
      

mercredi 4 octobre 2017

Camille Laurens : La petite danseuse de quatorze ans

     Camille Laurens a choisi de mettre en lumière une sculpture de Degas, mondialement connue, La Petite Danseuse.
     Elle raconte dans cet opus  l'histoire de sa création et tout particulièrement de partir sur les traces du modèle.
     Exposée pour la première fois en 1811, cette oeuvre,en cire à l'origine, a scandalisé : trop vulgaire, trop affreuse, trop arrogante, trop...
     Amatrice et passionnée d'art, l'auteur parle des codes et critères de l'art, de ses normes et surtout d'une époque avec son contexte social, à travers cette oeuvre et son tout jeune modèle  .
     Elle s'appelait Marie, émigrée de Belgique avec sa famille fuyant une trop grande misère.
     Elle avait 14 ans et travaillait comme petit rat à l'Opéra Garnier. Marie qui souffre loin des paillettes, petit rat est un travail de forçat pour les enfants pauvres.
     Les coulisses nous montrent l'envers d'un décor où ces petites filles étaient malheureuses, exploitées et où la pauvreté est implacable.
     Marie a eu une vie de misère, les maigres revenus de la danse l'oblige à chercher d'autres ressources, prostitution mais aussi modèle dans les ateliers.
     Elle le sera pour Degas et deviendra La Petite Danseuse. A jamais.
     Ce qui est intéressant dans ce livre, c'est la recherche de l'identité de Marie dans les registres, elle est là fragile et seule. Qui était-elle, qu'est-elle devenue ?
     L'histoire émeut parce qu'elle est triste, cette sculpture que nous trouvons belle, nous gêne un peu par la souffrance du modèle.
     L'auteur nous emmène derrière le décor, derrière l'apparence et nous présente cette petite danseuse dans toute sa vérité. 
      Pour l'amour de l'art et de la danse, ces petites filles étaient offertes sans état d'âme.
      On s'interroge... Marie nous touche énormément.
      La lecture est assez prenante dans la première et dernière partie, dommage que les détails techniques plombent un peu l'élan avec beaucoup de références notées. Les allusions et comparaisons  familiales qui semblent chères à l'auteur semblent ici en trop.
Camille Laurens - La petite danseuse de quatorze ans - Editions Stock collection La Bleue - Parution 30 Août 2017 - 176 Pages - 17.50 €