je veux encore rouler des hanches,

je veux me saouler de printemps

je veux m'en payer des nuits blanches

à cœur qui bat, à cœur battant

avant que sonne l'heure blême

et jusqu'à mon souffle dernier

je veux encore dire "je t'aime"

et vouloir mourir d'aimer

Barbara

dimanche 23 octobre 2016

Valentine Goby : Un paquebot dans les arbres

     S'inspirant d'une histoire vraie, Valentine Goby pour son dernier opus nous emmène au début des années 50, début des 30 Glorieuses, dans une société qui change et qui bouge.
     L'époque des belles héroïnes atteintes de la tuberculose qui finissaient dans un sursaut d'amour et de toux est bien loin, même si beaucoup d'auteurs ont sublimé ce genre d'histoires.
     C'est au café le Balto, à la Roche - Guyon à une cinquantaine de kilomètres de Paris, que l'auteur situe l'histoire d'une famille que la maladie va bouleverser à jamais et isoler de la société et du travail.
     Ici le roman  s'empare de thèmes forts et le drame qui arrive brutalement nous plonge, lecteur, dans un monde très dur.
     Paulot et Odile sont les patrons du Balto, cette épicerie-café-bar au cœur de la petite ville et lieu de détente, de refuge et de danse. Et Paulo c'est le roi du Balto quand il prend son harmonica et joue pour ses clients-amis. Jusqu'au jour où il s’effondre, frappé par la maladie.
     Il doit partir au sanatorium, "le paquebot" et vendre son affaire.
Femme et enfants sont sans ressource, menacés par la contagion, mis au ban de société et des amis.
     Une chute inexorable, tout bascule, c'est une existence de misère profonde qu'ils vivent. Famille et fratrie sont explosées jusqu'à la débâcle finale.
     C'est Mathilde la cadette qui revient sur les lieux de leur passé et porte la voix d'un récit magnifique, loin des clichés et porté par une certaine lumière.
     Beaucoup de thèmes sont abordés ici.
     La relation amoureuse et intense des parents l'un pour l'autre, allant même jusqu'à la maladresse avec les enfants.
     Il se trouve aussi les différences d'amour avec les enfants, l'aînée plus aimée, plus protégée et puis la cadette Mathilde qui fera tout pour se faire remarquer par son père, même à jouer les dures et prendre des décisions d'adultes.
     Et puis le regard que portent les gens sur l'inconnu et la maladie, sur l'isolement, sur l'étranger.
     Valentine Goby nous rappelle la société des années 60 où les traitements médicaux coûtaient chers et la protection sociale n'était pas encore telle qu'elle est aujourd'hui.
     Les mots de l'auteur nous accompagne, toujours très forts et puissants. A travers un drame social puissant, elle nous livre un message d'amour chargé d'émotions vives.
Valentine Goby - Un paquebot dans les arbres - Editions Actes Sud - Août 2016 - 271 Pages - 19.80 €

lundi 17 octobre 2016

Donald Ray Pollock : Une mort qui en vaut la peine

     Revoilà Pollock, génial conteur, écrivain à la plume impitoyable et pourtant  si tendre pour ses personnages explosés par la vie, ces ratés poursuivis par l'éternelle poisse.
     Dernier roman de cet  homme qui dans ses livres (Knockemstiff, Le Diable, tout le temps) crie toujours son amour et sa haine pour une Amérique perdue dans l'alcool et la misère, dans le racisme et l'inculture.
     Bref, un roman que j'attendais.
     En 1917, alors que l'Amérique se prépare à entrer en guerre contre l'Allemagne et  à mobiliser ses troupes, commence pour les trois frères Jewett la plus macabre et étourdissante des cavales.
     Trois gamins, sales, affamés et naïfs, tout juste orphelins sont lâchés dans un monde sans pitié et sans morale et ont juré de tout faire pour se sortir de leur triste sort.
     Ils décident de faire, comme leur héros de papier dont le frère aîné leur racontait l'unique histoire, de cambrioler des banques, avoir plein d'argent pour manger, boire et profiter de la vie.
     Rien ne se passe comme prévu et la violence et la mort s'invitent à leur danse frénétique.
     Dans leur course chaotique, ils rencontrent des personnages tous plus déjantés et ravagés par une vie de misère et de bêtise.
     Ils vont accompagner un temps les trois frères, et l'auteur nous montre un échantillon de cette humanité que l'Amérique est capable de créer : des pauvres bouseux, des êtres pervers et tourmentés, des mystiques, des salauds, tous remplis d'une telle imbécillité que l'on a honte d'en rire.
     Parce que l'on rit au détour d'une phrase bien placée, aux mots justes comme sait si bien les écrire Pollock.
      Dans un style sec et nerveux avec un vocabulaire parfois très cru qui embarrasse, l'auteur analyse très finement et au plus profond la noirceur de l'âme humaine. 
      Et parce qu'elle est humaine, on se régale de ces portraits d'illuminés et on s'attache à ces trois gamins et à leurs rêves de gosse.
      1917, c'est l'Amérique qui se construit et s'industrialise, qui va prendre le pas sur la vieille Europe. C'est une fresque et un constat d'un pays toujours en prise avec ses contradictions originelles.
      A ne pas manquer de lire.
Donald Ray Pollock - Une mort qui en vaut la peine - Editions Albin Michel - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard - Octobre 2016 - 576 Pages - 22.90 €
   

Kent Haruf : Nos âmes la nuit

     Le dernier opus de l'écrivain américain Kent Haruf, disparu en 2014 à 71 ans, nous parvient avec une intensité et une délicatesse extrême.
     Un livre épuré et dense qui nous mène sur les derniers pas d'amour d'un couple improbable, Addie et Louis.
     Dans le Colorado cher à son cœur, et dans sa ville imaginaire Holt, l'auteur nous parle de nos actes manqués, de nos souffrances de vie, de ce que l'on rate. Il nous évoque l'amour d'une manière éclatante.
     Addie est une septuagénaire aux beaux cheveux blancs. Après beaucoup d'hésitation elle va frapper à la porte de son voisin Louis, ancien professeur et lui fait une bien étrange proposition. Ils sont veufs tous les deux.
     Elle lui demande s'il est d'accord pour dormir de temps en temps avec elle. Juste dormir, et puis parler aussi,  passer le cap des nuits de longue solitude.
     Il accepte. Se met en place un rituel entre eux. Avant de dormir, un verre de vin pour elle, une bière pour lui.
     Petit à petit, ils apprennent à se connaître, à se parler, à se confier. Ils se racontent leur existence, pour elle celle d'une très jeune mère et épouse, pour lui celle de l'époux infidèle se rêvant  poète.
      Ils s'accompagnent, s’accommodent et s'aiment simplement. Les rumeurs arrivent et  ils s'en moquent, ils avancent mais les enfants s'en mêlent....
     Quelle délicatesse et quelle intensité ! Haruf nous parle d'amour mais aussi d'intolérance.
     C'est un roman qui rend hommage à la nature et à l'âge aussi, à travers cette belle quête de l'amour chez deux personnes qui n'y croyaient plus.
Kent Haruf - Nos âmes la nuit - Editions Robert Laffont - Traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Anouk Neuhoff - 180 Pages - 17 €

dimanche 16 octobre 2016

Laurent Gaudé : Ecoutez nos défaites

     Assem et Mariam se rencontrent un soir dans un bar d'hôtel. Chacun se trouve à un moment charnière d'une vie bien remplie. Ils sont lucides et n'ont plus une foi absolue dans leur travail et l'humanité.
     Mariam est archéologue à la recherche des trésors et œuvres d'art pillés et mutilés au nom de la guerre, du fanatisme religieux et de la bêtise humaine.
     Assem lui est agent spécial, il a fait partie des commandos qui assassinent au nom de l'Histoire et justement il a pour sa dernière mission, l'ordre de remettre sur les rails un ex agent de la CIA qui lui a participé à la fin de Ben Laden.
     Viennent ensuite trois héros de l'Histoire que l'auteur convoque pour comprendre et réfléchir sur la folie meurtrière qui s'empare des hommes à travers les siècles.
     Grant, le général de la guerre de Sécession, homme d'un idéal, deux fois président des jeunes États-Unis portant jusqu'à la fin de ses jours le surnom de "boucher". C'est dire..
     Hailé Salassié, délaissé de tous se verra contraint à l'exil, il fera pourtant souffrir son peuple à son retour dans son pays.
     Hannibal, porte en lui la liberté pour son peuple sous le joug de Rome. Pendant 20 ans, il combattra l'empire romain pour se voir trahir par les siens.
     Tous portent en eux des combats et des victoires. Dans le sang et les larmes, ils ont guerroyé, ils ont perdu aussi.
      Les massacres, les morts qui ont conduit aux victoires pour les uns ont toujours entraîné chez les hommes un sursaut de prise de conscience. Non plus jamais ça ! Et pourtant tout recommence, à chaque fois plus violent, à chaque fois pour des causes plus exacerbées que jamais, les hommes s’entre-tuent.
      Laurent Gaudé questionne de façon lancinante sur des thèmes pas vraiment nouveaux.
      Mais son style, avec des phrases efficaces et des paragraphes courts, fait monter la tension. L'écriture comme toujours devient poétique et intense. Et ses dernières phrases, "Écoutez nos défaites" reviennent comme un refrain envoûtant et universel.
      Malgré une construction complexe au début, par son anachronisme et ses personnages nombreux, Laurent Gaudé rapproche avec talent l'Histoire d'hier avec celle d'aujourd'hui, et la magie romanesque est présente.
     Très belle lecture.
Laurent Gaudé - Écoutez nos défaites - Éditions Actes Sud - Août 2016 - 28  Pages - 20 €